Doudou

Masta

Le Rap a été mon premier éxutoire

Doudou Masta est un cas, un oiseau rare. Rappeur reconnu, voix-off, voix de doublage puis acteur, il a un parcours unique et atypique. Souvent guidé par son instinct et ‘son précieux instrument’: sa voix. Rencontre avec un prodige du micro.

INTERVIEW

Comment ton histoire de comédien voix-off a-t-elle commencée ? On veut tout savoir !

Mon point de départ a été le milieu artistique de la danse Hip-Hop. Tout jeune, j’ai intégré une troupe, les ‘Atomic Breakers’, qui est devenue plus tard les ‘Actuel Force’. De fil en aiguille j’ai fini par prendre goût au stylo et donc au micro. J’inventais des histoires, je les racontais en rap et les gens aimaient, donc je continuais.
L’écriture m’a structuré, le Rap a été mon premier exutoire. C’était la fin des années 80, je me suis engouffré dedans avec toute l’énergie que pouvait avoir un jeune qui a faim de participer à un mouvement qui appartient à sa génération.
De scènes en scènes, de théâtres en MJC je me suis fait mes armes et j’ai progressé, contrairement à l’école où mon apprentissage ne se passait pas très bien : J’avais du mal avec ce qu’on nous offrait et qui ne comblait pas ma soif de culture. De plus, je trouvais qu’on avait toujours tendance à rabaisser les gens de ma couleur et de mon ethnie. À propos du peuple noir, on ne parlait que de l’esclavage. Je trouvais ça injuste et je me suis braqué.. Du coup mon Rap est devenu plus incisif, plus identitaire.
Signe des temps, c’est comme cela que j’ai commencé à me faire connaître plus largement au sein de mon groupe ‘Timide et sans complexe’.

Tu avais déjà mué ?

Oui, et justement c’est en parlant avec des directeurs artistiques dans les bureaux des maisons de disques qu’on me faisait remarquer que ma voix était particulière, intéressante.. et qu’on m’a suggéré de faire des voix de pub. J’ai accepté de jouer le jeu si c’était bien payé (rires) et j’ai enregistré ma première voix-off pour le premier album de Snoop Dogg ‘Doggystyle’ en 1993. C’était l’explosion du Rap partout, et ma voix s’est retrouvée hyper exposée. J’ai été pris en main par Laurent Nawawi dit ‘Nagra’ un ingénieur du son, qui m’a appris doucement les règles du métier, le respect, la rigueur du monde du travail mais tout cela avec beaucoup de patience car pour le jeune fougueux que j’étais, le protocole était loin d’être évident à adopter, donc je dis merci Laurent !
Avec ce don qu’on m’attribuait, je découvrais dans l’oeil de l’autre une autre façon de me regarder, je n’étais pas habitué à cela et j’étais toujours sur la défensive. Finalement ce regard bienveillant m’a encouragé à dépasser mes a priori et à faire confiance aux autres et à moi-même.

En fait, tu as été le premier rappeur français à faire des voix-off  ?

Effectivement, et ce n’était pas si évident.. on venait me chercher pour ma voix bien-sûr, mais aussi pour ce que je représentais : Un artiste hip-hop crédible, une caution, la voix du ghetto. Faire des voix pour promouvoir d’autres rappeurs français comme Solaar, NTM, I AM, Assassin, qui étaient mes concurrents directs et qui rencontraient un large succès commercial, c’était un vrai crève-coeur, à tel point que j’ai failli arrêter. C’est à ce moment que les pros qui m’entouraient m’ont aidé à relativiser, et à comprendre qu’il fallait obligatoirement prendre de la distance en tant que voix-off ! On me disait : « Tu as un vrai métier entre les mains, voix-off tu peux faire toute ta vie !! Fais donc la part des choses. »

Parles-nous un peu plus de ton travail de comédien voix dans le doublage

J’ai appris sur le tas, je suis opportuniste ! Lorsqu’on est artiste on est forcément un peu comédien, donc j’ai glissé vers le cinéma assez facilement avec le doublage du premier volet d'Arthur et les MinimoysLuc Besson m’a retenu pour incarner le Chef Massaï. Puis, ensuite j’ai doublé Moto-Moto, l’hippopotame dragueur de Madagascar 2, aux côtés de José Garcia, Jean-Paul Rouve et Marina Foïs. J’ai continué avec Babylon A.D en 2008, où j’étais la voix de Vin Diesel, ou encore la série animée ‘Les Lascars’. Pour moi de toutes façons et quelque soit l’exercice devant un micro, je m’amuse beaucoup, rien que de m’entendre, à partir de là je suis toujours partant pour faire des voix et de jouer de mon instrument dans toutes ses variations possibles.

J’ai su que ton empreinte vocale en doublage t’a joué des tours en tant qu’acteur. Tu nous racontes ?

Je me suis rendu compte que ces rôles de voix interféraient sur mes rôles de comédiens. Quand j’arrivais au casting on me disait: ‘C’est bizarre tu as la voix de quelqu’un d’autre…’ Là, j’expliquais que j’avais doublé Vin Diesel dans Babylon A.D, et on me répondait: ‘C’est ça ! tu as la voix de Vin Diesel, en fait, alors ça ne va pas le faire..’ Sauf que non.. c’était ma voix, la mienne !! C’était flippant. Donc oui, ça m’a joué des tours plusieurs fois, et je n’ai pas eu certains rôles à cause de ma voix atypique. C’est pour cela que dorénavant je fais attention à mes choix dans les doublages qu’on me propose.
Sinon en tant qu’acteur, j’ai tourné dans beaucoup de films dont le Mac avec José Garcia, Micmacs à tire larigot avec Dany Boon, les Lascars, et dans plusieurs séries dont Braquo et la Commune pour Canal+, si tu veux le détail va sur Wikipedia !

Ton pire et ton meilleur souvenir de séance voix-off ?

J’ai gardé un excellent souvenir du doublage de Moto-Moto l’hippo dragueur de Madagascar 2, c’était drôle et j’avais ma fille qui avait 8 ans à l’époque. Elle me regardait comme un Dieu vivant, c’était magique !
Côté séance difficile, à mes débuts je me souviens d’une séance que j’avais zappée, car j’étais jeune et fougueux. Le chef de produit très agressif m’a appelé en me hurlant dessus pour que je vienne en courant au studio. Là j’ai vu rouge, mon sang n’a fait qu’un tour j’ai piqué une grosse colère, j’étais dans tous mes états... heureusement l’ingénieur du son qui me connaissait bien a pris le téléphone ; il a su me calmer, et la situation s’est arrangée.

Que peut-on te souhaiter à part une longue et belle route ?

De continuer à vivre de ce métier aux multiples facettes et de toujours trouver ce regard bienveillant dont je parlais précédemment. Et oui, de continuer à travailler avec la Team Sonacom aussi !