Donald

Reignoux

Il faut des années de pratique pour être opérationnel

Notre collaboration avec Donald Reignoux a fait "TILT" tout de suite. Entre nous la confiance s’est vite installée. Vous connaissez forcément sa voix, vous l’entendez même peut-être plusieurs fois par jours en voiture, à la radio, chez vous dans une pub TV, ou encore au cinéma dans un film. Equilibré et consciencieux, ce jeune comédien de l’ombre pour qui ‘un bon doublage est un doublage qui se fait oublier’ vous parle de sa carrière.

INTERVIEW

Raconte-nous tes débuts devant un micro.

Ça remonte à mon enfance, ma mère était choriste pour les plus grandes stars de la chanson française des années 70, de Jo Dassin à Michel Sardou, et elle enregistrait aussi des albums pour enfants. En 1990, à force d’insister pour chanter moi aussi, elle a fini par accepter et j’ai été repéré par Claude Lombard qui m’a initié et m’a fait enregistrer mes premières comptines puis le générique du dessin animé ‘Christophe Colomb’ en 1992.
Claude m’a présenté à une connaissance qui réalisait des doublages, et c’est comme ça que j’ai commencé à en faire à l’âge de dix ans. Disney et La Cinq ne voulaient plus d’adultes pour imiter des enfants, donc tous les directeurs artistiques se sont mis à chercher mais il n’y avait pas beaucoup de gamins qui faisaient ça à l’époque.

Tout a été très vite et je suis passé du chant studio, à la comédie sans étape intermédiaire parceque tout ce qui sort de la bouche d’un enfant est frais, même si le ton n’est pas parfait. C’est comme ça que j’ai fait mes armes, sur le tas, séance après séance, au départ tous les deux mois, puis plus souvent.

Et là tu prends ton envol…

Oui, 1996 c’est une date clef pour moi. C’est l’année où j’ai décidé d’arrêter le collège par manque de temps, mes professeurs ont été surpris, mais heureusement mes parents me soutenaient dans mon choix et m’encadraient bien pour mes cours par correspondance.
C’est aussi l’année où j’ai doublé Andy dans Toy Story, le premier long-métrage d'animation entièrement réalisé en images de synthèse des studios Pixar co-produit par Disney. J’ai tout de suite senti qu’il se passait quelque chose d’énorme lorsque j’ai vu les premières images du film au casting, et j’ai eu la chance d’être retenu pour le rôle.
Le film a rencontré un énorme succès et a été un accélérateur de carrière pour moi, une confirmation que je voulais faire ce métier. Aujourd’hui je regarde le film avec beaucoup de tendresse avec ma petite fille qui ne reconnaît pas ma voix, il faut dire que j’avais 14 ans et pas encore mué, en revanche elle me reconnaît bien dans le rôle de Christophe dans la Reine des neiges. Disney me fait souvent confiance pour incarner des personnages, et du coup je fais aussi l’habillage antenne de la chaîne Disney XD.

Donc tu as mué tard et comment as-tu géré ces changements ?

Ça n’a pas été simple… quand tu es enfant, vocalement on te pardonne tout, mais quand tu passes à l’âge adulte tu mues et là, on devient exigeant avec toi. Comme tu changes de voix tu ré-apprends tout ton jeu et c’est très déstabilisant. La maîtrise de mon nouvel organe m’a demandé quelques années afin de pouvoir refaire des voix sans réfléchir, au millimètre. Mais je n’ai pas cessé pour autant, j’ai eu pas mal de petits rôles et en 2001 on me convoque pour le casting de Titeuf la série, ça se passait sur un plateau de cinéma il y avait trente comédiens sur place, ce qui n’arrive jamais car normalement les gens arrivent au fur et à mesure de la journée. Tout le monde écoutait tout le monde, c’était bizarre, mais j’avais une idée précise pour le personnage et je ne voyais que ça. J’ai commencé et je n’ai pas bougé de la barre, après moi plus personne n’est passé. Ça peut faire sourire aujourd’hui parce que la voix de Titeuf est hyper connue, mais à ce moment là j’ai voulu faire un truc complètement à côté de la plaque, rocailleux, fripon, gouailleur: J’ai pris un risque et j’ai transformé l’essai. J’ai même fait son pote Hugo avec le col roulé rouge, dans la foulée ! Après cela j’ai doublé beaucoup d’autres acteurs, je ne peux pas tous les citer mais je pense à Andrew Garfield, Jesse Eisenberg, Casey Affleck, Paul Dano ou Channing Tatum.

Tu as une bonne capacité d’adaptation, en est-il de même pour la voix off pub ?

La pub c’est particulier quand tu viens du doublage.. parce qu’il faut comprendre vite ce que les clients attendent de toi.
Certes, les textes sont courts pour la plupart, mais il y a un travail fou à apporter à l’intention, au souci du détail, à la diction, aux fins de phrases, tout cela en sachant écouter les demandes et proposer des choses. Bref c’est un vrai métier !
On me fait confiance sur des campagnes où il faut une voix off jeune et dynamique, voire carrément joueur comme sur les spots Playmobil que j’enregistre chez vous.
Je reçois très souvent des messages de fans qui veulent faire des voix off qui me disent ‘ça a l’air sympa, moi aussi je veux en faire !' mais la vérité est tout autre, et elle demande des années de pratique pour être opérationnel.
D’ailleurs je trouve bien que des acteurs connus viennent aussi doubler dans les films (j’ai fait notamment équipe avec François-Xavier Demaison sur Les mondes de Ralph, et avec Dany Boon dans la Reine des neiges) parceque eux, lorsqu’ils disent que c’est difficile on les croit !

Depuis 2004 tu es l’une des voix antenne d’NRJ, parle nous de l’exercice.

Avec Richard Darbois, la voix historique de la radio, nous nous partageons depuis dix ans l’antenne pour l’habillage et les auto-promos, et on peut nous entendre 24h/24h dans toute la France. On a des voix très différentes mais qui se complètent en terme de couleur, et surtout on est bien dirigé sur les enregistrements par les producteurs, car le ton est bien particulier et on peut avoir plusieurs dizaines de pages à enregistrer, ce qui implique rigueur et concentration.

Une anecdote ‘vocale’ à nous raconter ?

Même deux !
La première qui me vient à l’esprit c’est pour The Amazing Spiderman, le foulard que je mettais devant la bouche pour plus de réalisme lorsque Peter Parker est en combinaison, sauf qu’au bout d’un moment, comme c’est pour jouer des scènes physiques, je manquais d’air !
Et la seconde c’est une technique de jeu que m’a appris Zabou Breitman qui dirigeait Titeuf le film, et qui consiste à lire son texte comme si on ne sait plus ce qu’on doit dire ensuite. Excellent !

Tout cela te laisse du temps pour les sports mécaniques, ta grande passion ?

Pas autant que je le voudrais, mais effectivement je confirme c’est ma grande passion depuis que je suis gosse, j’ai beaucoup fait de pilotage en moto, j’ai roulé en super motard, j’ai fait Bercy et des championnats de France en coupes de marques pour Triumph, Aprilia, puis j’ai fait du Stunt (une discipline dont le but est d'enchaîner des figures dit ‘tricks’ ) et je me suis cassé une vertèbre donc j’ai dû arrêter. Je reprends le pilotage en voiture, mais les budgets pour participer à des compétitions sont plusieurs crans au dessus donc c’est difficile d’y rentrer.
Si je n’avais pas trouvé ma ‘voix’ j’aurais évolué dans les sports mécaniques c’est certain !